Dans la cuisine familiale des Barrero, famille de réfugiés Républicains espagnols, victimes de la retirada de 1939, ayant connu guerre et privations, il était impensable de jeter le moindre quignon de pain.
Les restes de pain dur, puisqu’on en parle, étaient transformés en chapelure, en pain perdu ou en dessert du pauvre
L’huile de cuisson de la poêle était récupérée soigneusement, tout comme les jus de cuisson de rôtis ou de volailles.
Et lorsqu’il restait des morceaux de viande ou de poulet, il se transformaient, la où des français auraient fait un Parmentier, en boulettes ou en croquettes.
Dans les années 60, les belles années insouciantes de mon enfance, on ne parlait pas de diététique, de cuisine équilibrée. Il s’agissait plutôt de nourrir comme il faut les travailleurs du foyer, mon père artisan électricien automobile, et mon oncle carreleur.
Nous consommions beaucoup de poisson, (les espagnols sont parmi les plus gros consommateurs dans le monde) de la viande, et pour les garnitures, les deux piliers de la cuisine espagnole : le riz et les pois-chiches.
Le pois-chiche, tiens, parlons en !
Les espagnols ont avec le pois-chiche une relation paradoxale, du type amour/ haine.
Il faut dire que le pois chiche est un peu un symbole de la lutte des classes (adoré des pauvres méprisé par les riches).
Le pois chiche a presque toujours été synonyme de frugalité, de pauvreté et même d'impolitesse, de rudesse.
Nombreuses sont les expressions à cet égard. Souvent pour souligner le caractère négatif de telle ou telle chose.
Par exemple, l’expression "por un garbanzo no se descompone la olla » (pour un pois chiche ne décompose pas le pot) renvoie à l'insignifiance, le pois chiche dévalorisant l’ensemble du plat, du point de vue des bourgeois bien sûr.
Un autre concept tel que l'inadéquation ou le non-respect des règles se retrouve dans l'expression "en todo cocido siempre hay un garbanzo negro » (dans chaque ragoût, il y a toujours un pois chiche noir).
Une autre expression qui révèle l’importance du pois chiche en tant que symbole de la nourriture et de la subsistance est « mirar por el garbanzo » (chercher le pois chiche) qui fait référence à la nécessité d’etre attentif à l’origine de notre richesse.
La symbolique ou la relation entre le pois chiche et la mort n’est pas moins importante. Les grecs classiques mangeaient des pois chiches lors des banquets funéraires. Dans la région niçoise , la tradition veut que l'on mange des pois chiches le mercredi des Cendres , le Vendredi saint et la Toussaint . La même tradition existe dans de nombreux endroits en Espagne lors du Vendredi Saint, lorsqu’on mange le succulent ragoût de pois chiches.
Voici donc une recette typique de l’art d’accommoder les restes (j’avais un reste de jambon et un reste de poularde) en boulettes, avec l’incontournable boîte de garbanzos (nos fameux pois chiches) obligatoirement présente dans tout bon garde manger qui se respecte.
INGRÉDIENTS (pour 4 personnes) :
· 400 g de restes de viande (rôti de bœuf, deveau ou de porc, volailles…)
· 100 g de jambon blanc
· 100 g de lardons frais
· 2 œufs
· 3 CAS de chapelure
· 1 brin de persil
· 1 boîte de pois chiches cuits
· 12 pommes de terre grenaille
· 8 oignons grelots
· 1 talon de jambon Serrano
· 8 tranches de chorizo
· 4 grains d’ail
· 50 cl de vin blanc
· 1 litre de fond de veau
· 1 CAS de piment doux
· Farine
· Huile d’olive
· Sel, poivre
PRÉPARATION :
Préparer les boulettes :
· Hacher finement ensemble le reste de viande avec le jambon blanc et les lardons frais
· Hacher fin le persil
· Mélanger la farce et le persil dans un cul de poule, ajouter les œufs frais, la chapelure, saler et poivrer et bien malaxer à la main pour obtenir un mélange bien homogène..
· Dans une cocotte, faire chauffer un mélange d’huile olive et d’huile de maïs
· Prélever de la farce avec une cuillère à soupe et former dans ses mains mouillées une boulette bien ronde.
· Passer les boulettes dans la farine et les refaçonner.
· Faire dorer les boulettes dans l’huile en veillant à ne pas bruler la farine.
· Réserver les boulettes sur du papier absorbant..
Préparer le ragoût :
· Ôter l’excédent d’huile de la cocotte
· Faire revenir les oignons grelots et l’ail dans la cocotte
· Couper le talon de jambon en morceaux et le rajouter dans la cocotte
· Rajouter également les morceaux de chorizo
· Rajouter le piment doux et faire revenir doucement pendant 3 minutes.
· Rajouter délicatement les boulettes et mouiller avec le vin blanc
· Baisser le feu et laisser évaporer l’alcool du vin blanc pendant 10 minutes
· Peler les pommes de terres et les rajouter à la cocotte
· Rajouter les pois-chiches.
· Mouiller avec le fond de veau.
· Laisser cuire au moins 30 minutes à couvert, puis laisser réduire à découvert pendant encore 15 minutes..
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