LA TABLE LIONEL GIRAUD
- Barrero Robert
- 19 mars
- 4 min de lecture
Certes on aurait préféré un cadre mieux adapté que cette périphérie de Narbonne bien banale et austère pour cette jolie table, mais l’accueil chaleureux de l’équipe de « LA TABLE LIONEL GIRAUD » nous fait vite oublier la banalité de l’environnement urbain.
C’est entre les murs de la maison St Crescent, ancien oratoire du moyen âge que le chef Lionel Giraud a gagné ses deux étoiles Michelin grâce a une cuisine inventive et soucieuse du vivant. « Conjuguer Savoir-Vivre Et Savoir-Être » telle est la devise de la maison. Pour avoir travaillé avec des maîtres comme Christian Constant, Guy Legay ou André Charial et s’être essayé à la cuisine de palace au Ritz et Crillon, Lionel Giraud a pu mettre son savoir faire et son expérience au service d’une cuisine respectueuse du terroir, tournée vers les produits locaux, inventive et pour autant solide dans ses bases.

La table vous propose de choisir entre plusieurs amplitudes dans une carte constamment renouvelée au gré des saisons et des producteurs locaux. Ces options, appelés « balades » offent une palette qui va de 6 à 8 plats, avec une possibilité de choix d’exception où s’ajoutent aux plats du menu des produits nobles comme le caviar ou la truffe, issus eux aussi de productions régionales.
Les différentes options varient entre 120 et 260 euros avec un accord mets vins allant de 65 à 95 euros, ce qui pour un double étoilé, n’est pas du tout déraisonnable.
J’ai opté pour la formule à 6 plats avec 7 mises en bouche et 5 petits desserts.
Les mises en bouche sont pimpantes et punchy, avec des associations de pâtes croustillantes comme cette Flouve odorante (une graminée qui pousse non loin de Narbonne), fleurs et aromates, ou plus crémeuses et parfumées avec cette Tartelette de lactaires et tartuffo. On fait aussi un petit tour dans la cuisine moléculaire avec la version d'une olive de Lucques sans noyau. "Oulibo". Toujours dans le registre du contraste entre croustillant et moelleux, une délicieuse feuille de livèche sauvage et condiments. On file vers le crémeux et onctueux avec une mousse de poisson du Golfe du Lion, condiment algues marines. Ma gourmandise préférée restera ce très délicat Couteau de plongée et graminées fermentées servi sur un lit d’algues glacées. On termine ce petit festival de savoir faire avec "L'Avocette", Baudroie comme une charcuterie. "Criée de Port-la-Nouvelle" un petit biscuit surmonté d’un copeau de baudroie « curado » comme on dit en Espagne.

Coté quilles, le sommelier nous propose un verre par plat de cuvées locales surprenantes, dans un accord parfait.

Même les pains sont soignés, déclinés en trois versions, un pain vapeur au blé tendre, huile d'olive au Café. "Lavazza", un pain viennois au blé dur, babeurre à la Truffe noire, et un pain aux blés anciens au Barbu du Roussillon.

La suite, c’est le chef qui l’a décidée dans cette version découverte.
La première entrée est étonnante. Le mariage entre un cassoulet et une raclette, avec des haricots traités en salpicon, posés sur un coulis de livèche, surmontés d’une tranche de tome de Fresquel fondu, saupoudré de chips de peau de haricots et décorés de pétales de fleurs. C’est surprenant, onctueux mais avec juste ce qu’il faut de mâche. Ça matche bien et se déguste à la cuillère comme une gourmandise canaille entre plat de brasserie et grande cuisine. Belle surprise pour peu qu’on ouvre son esprit. Moi j’ai marché à fond.

À suivre un joli morceau d’omble cuit à la perfection, mousse crémeuse sur un jus fumé au sapin et la peau panée et grillée, avec quelques feuilles d’oxalis qui apportent une pointe fraîche et acidulée.

La quenelle de Mulet fumée aux aiguilles de pin qui suit, accompagnée d’une réduction de galère et liveche, avec ses petites céréales grillées, était parfaite, pulpeuse et sexy à souhait. Pas facile de rendre un mulet sexy pourtant.

Puis le top, à mon avis le plat phare du menu, un pigeonneau servi en trois façons , cuit sur coffre, magrets servis sur une réduction avec une bonne concentration, les cuisses confites désossées enrubannées d’une fine tranche de pomme de terre, croustillantes et tendres à la fois, servies avec quelques feuilles tendres de rouquette et fleurs, et le reste en bonbon de civet, foie gras et sauce chocolatée.

Avant les douceurs, trois excellents fromages de terroir, puissants, de caractère, servis avec une petite salade mélangée.
Arrivent les douceurs, comme les mises en bouche, petites portions mais subtiles et étonnantes
Mon préféré, un délice de Poire de Jéremy Carrelas slicée, frais et sain, surmonte d’une fine meringue. C’est peu sucré, très subtil et pourtant complexe. Le genre de dessert que j’adore, sur le fruit, sans chichis.
Ensuite un citron rouge du Mas Bachès, givré. Simple, évident, le goût de l’enfance.
Ensuite, mousse au lait cru de la ferme de Briola avec une petite étoile de lait grillé en biscuit.
Puis tarte soufflée au chocolat, chapeautée d’un joli copeau.
Et pour finir, noix de Pécan en biscuit moelleux, crémeux de coques, venant de "Canet en Roussillon", agrémentée d’une bougie pour mon anniversaire.

En résumé, une belle table, un personnel adorable et un chef disert et accessible puisqu’il vous recevra dans sa superbe cuisine pour recueillir vos impressions et dédicacer votre menu.
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